Orientation: Être hypersensible, atout ou désavantage ? (témoignage)
J’ai mis beaucoup de temps à réaliser que j’étais hypersensible. J’ai longtemps pensé que ce que je vivais/ressentais était le quotidien de tout le monde. Comme ça faisait partie de moi depuis toujours, je n’avais jamais eu l’impression d’être « différente » émotionnellement.
Mon monde était fait de tout un tas de couleurs, de bruits, d’odeurs et de sensations… Un flot continu d’informations qui arrivaient de toutes parts et qui parfois, certes, me submergeaient. Mais je pensais que c’était normal.
C’était un monde à la fois beau car rempli de nuances et en même temps angoissant car je n’arrivais pas à gérer toutes ces informations.
Bref j’ai longtemps été ce que l’on appelle « une éponge ». J’absorbais tout. Tout ce qui m’entourait.
Être hypersensible c’est tout ressentir x100. C’est à la fois un cadeau et un enfer et la limite entre les deux est très mince…
Au-delà d’avoir ses 5 sens en éveil constamment, c’est aussi et surtout (dans mon cas) l’impression d’être branchée sur « d’autres fréquences » :
C’est avoir l’impression de faire partie d’un tout. Comme si mon environnement (celui dans lequel j’évolue à l’instant T) passait son temps à m’absorber pour me transmettre 1000 informations à la seconde. C’est comme si j’étais moi et en même temps tout ce qui m’entoure. Je suis l’air, le soleil, le vent, je suis l’humeur de ceux qui m’entourent, je suis l’atmosphère, l’ambiance qui règne dans la pièce. Comme si des milliards de capteurs étaient collés sur ma peau.
C’est aussi (vous allez peut-être me prendre pour une folle mais tant pis) être un « radar », une « antenne ». Il y a des personnes que je rencontrais, des situations qui se présentaient à moi et où je savais qu’il fallait que « je fuie ». Vous savez quand on dit « je ne la sens pas cette personne/cette situation ». Quand ce genre d’évènements m’arrivaient, ça faisait comme un « électrochoc », je savais c’est tout. Il s’avère qu’immanquablement j’avais raison. Mais bon allez expliquer ça…
C’est être sans arrêt chamboulée, secouée, bouleversée par des choses « toutes simples » : une musique, un livre, un paysage, un mot… Une note de musique est capable de me faire fondre en larme, comme si elle traversait mon cœur et mon âme…
Je pleurais en regardant les informations, en écoutant de la cornemuse, en voyant un beau coucher de soleil. Je pleurais à chaudes larmes, des sanglots profonds venus de si loin…
Tout était exacerbé, tout était trop. J’étais trop. Mes joies étaient intenses, mes colères aussi… Il n’y avait aucune demi-mesure. Je vivais avec passion et ardeur. Tout à 100%.
Par exemple : Je n’ai pas supporté pendant longtemps le cinéma, le son (trop fort), les images, l’odeur (écœurante) du pop-corn… j’étais comme envahie, étouffée… trop d’émotions… Il fallait sans arrêt que je sorte, voire même que je quitte le cinéma en plein milieu du film.
C’est aussi, comme je le disais, avoir ses sens en alerte : le goût par exemple est une fabuleuse source d’informations, je crois que c’est pour ça que j’aime autant manger (ou pas des fois), c’est comme une explosion de goûts : l’amertume, la douceur, l’acidité, l’âpreté, l’épicé, le corsé, c’est une palette de multiples saveurs qui se laisse découvrir.
L’odorat, je l’avoue m’a déjà fait fuir les transports en commun, et il y a des tonnes d’odeurs que je préférais ne pas sentir. Mais une odeur est aussi capable de me ramener loin dans mes souvenirs à des instants très précis de ma vie. L’odeur de la pluie sur le goudron chaud, un parfum, l’herbe fraichement coupée, l’iode, l’odeur de la peau…
Le toucher est particulier car il est aussi en lien avec mon rapport au corps et à la douleur. Je ne supporte pas d’avoir mal, bizarrement je ne dirais pas que je suis « douillette » car j’ai déjà pas mal « souffert ». Bizarrement ce sont les « maux » du quotidien que je supporte le moins : je ressens mes os, rouillés, grippés, rouler et craquer sous ma peau… C’est une sensation que je déteste.
Pareil je suis extrêmement frileuse et je ne supporte pas ça…
Sinon, je passe mon temps à toucher les matières, les vêtements, les meubles, j’adore ça… il faut que je touche la texture. J’aime par exemple le bois pour ses irrégularités et sa rigidité, j’aime aussi tout ce qui est « granuleux » allez savoir pourquoi…
Enfin la vue : Les lumières artificielles me « rendent malade ». Je ne supporte pas tout ce qui est néons de supermarché, de salles de cours ou autre. Ça me fait tourner la tête, me fait mal aux yeux et me donne la migraine
Quand j’étais enfant c’était ingérable, épuisant… Je ne comprenais pas ce qui se passait, c’était comme recevoir en pleine figure un tsunami d’émotions et d’informations constamment, sans repris… Mon cerveau tentait de régler/comprendre un bug incompréhensible, il tentait d’expliquer/de rationaliser ce qui ne peut l’être. Et comme il ne trouvait aucune solution pour résoudre ce « bug », j’étais en proie à de violentes crises d’angoisses, je me laissais complètement envahir et submerger.
Alors j’ai muré. Cloisonné, emprisonné ces émotions envahissantes au maximum. Et j’ai grandi. Il y avait toujours des décalages avec les autres, je restais toujours « trop chiante », « trop émotive » pour eux… paradoxalement, malgré leurs remarques, je m’obstinais à croire qu’ils vivaient et ressentaient les mêmes choses que moi. Je voulais être normale à tout prix. J’avais trop peur d’être folle. J’avais trop peur d’être « bipolaire », ou d’avoir des troubles du comportement…
Jusqu’au jour où j’ai passé les tests de QI à 17 ans et que j’ai dû expliquer ce que je vivais étant enfant. C’est là que j’ai su que j’étais « hypersensible ». Alors je n’étais pas folle ?
La réconciliation :
Aujourd’hui, avec l’âge, j’ai appris à prendre du recul sur les choses et à ne plus me laisser submerger. J’essaye au contraire, d’en faire un atout au quotidien, dans ma relation avec autrui et au monde.
Mais j’avoue avoir encore du mal à rouvrir à 100% la boite à émotions. Je crois que je ne me fais pas encore assez confiance pour ça. Pourtant je suis convaincue que pour être moi pleinement je devrais faire la paix, lâcher prise et accepter cette partie de moi « trop émotive », « trop sensible ». Il faut que je trouve le juste équilibre, l’harmonie, entre le potentiel que peut m’apporter cette hypersensibilité et le tsunami qui pourrait me dévorer.
J’apprends aussi à « écouter » mes 5 sens, je n’ai souvent vu que le mauvais côté de ce qu’ils m’apportaient. Sûrement car les bons côtés paraissent « banals », quand on vit avec depuis toujours. Alors aujourd’hui j’apprends à me focaliser sur ce qu’ils m’apportent de merveilleux au quotidien.
Être hypersensible c’est aussi avoir la chance de pouvoir danser avec la vie.
Et un cadeau comme ça, ça ne se refuse pas !
Et vous comment le vivez-vous ?
A ce sujet, je vous conseille l’article de Rozie, qui décrit parfaitement bien l’hypersensibilité et dans lequel je me retrouve énormément.
Sarah.
Je me retrouve à 100% dans ton article. J'ai vécu et ressenti tout de que tu expliques. Ce n'est vraiment pas évident d'être hypersensible mais décider d'en faire une force et d'en être fière est finalement la meilleure chose à faire pour se réconcilier avec notre hypersensibilité. Actuellement, pour rien au monde je ne changerai ce trait de ma personnalité 😊😘