Interview: Béa Ercolini, l'engagement au féminin
[dropcap type="default"]L[/dropcap]a charismatique Béa Ercolini a accepté de se livrer au jeu des questions de Mademoiselle Ergo dans une interview exceptionnelle. Béa est une femme engagée au caractère bien trempé, elle qui a été rédactrice en chef du Elle Belgique pendant 13 ans. Aujourd'hui, Béa Ercolini a d'autres inspirations et projets, elle nous en dévoile quelques-uns.

«MADEMOISELLE ERGO» - Quel était votre cursus scolaire en supérieur ? Avez-vous fait une école de journalisme ?
Béa Ercolini - Non ! Je m’étais inscrite en journalisme à l’ULB. Et puis, après une année, j’ai bifurqué avec des cours en histoire de l’art. Mais, c’est journaliste que je voulais devenir depuis toujours ! Finalement, ce n’était pas stupide d’avoir étudié l’histoire de l’art : j’y ai trouvé un bagage visuel. Comme un magazine est confectionné avec au moins 50% d’images, c’est toujours mieux d’avoir une culture de l’image. J’espère d’ailleurs que l’on vous apprend à lire et à décrypter les images que vous voyez à la télévision, dans les journaux, sur internet.
Les deux dernières années, j’ai eu la possibilité de m’organiser un programme de rêve : de la psycho, des sciences sociales, des sciences po’. C’était un programme d’étude de journalisme, mais sans les cours que l’on déteste, comme économie politique ou droit. (rires)
Qu'avez-vous fait à la sortie de vos études ?
Je suis allée travailler dans des journaux. Des quotidiens comme la Dernière-Heure. A l’époque, c’était un milieu très masculin. Je suis devenue par la suite free-lance (pigiste), puis salariée chez Femmes d’Aujourd’hui, enfin rédactrice en chef du ELLE Belgique.
Pouvez-vous nous parler de l'édition du “ELLE” Belgique ? Et comment êtes-vous devenue rédactrice en chef ?
Le magazine ELLE a été fondé en 1947. Dans les années 80, le titre s’est décliné en publication internationale. Le ELLE Belgique, quand à lui, a été la 36ème édition lancée dans le réseau international. Aujourd’hui, il existe à travers le monde 47 ELLE différents. Ce sont tous des mensuels. Sauf le francais : celui-là paraît chaque semaine.
En 2003, j’ai contribué à la création de l’édition belge. Avant, en Belgique, si vous parliez le français, vous achetiez le ELLE France dans lequel, il y avait quelques pages consacrées à la Belgique. Et si vous étiez néerlandophones, vous achetiez le ELLE Hollande. Nous avons créé une version francophone du ELLE et ELLE Belgïe, c'est la version néerlandophone.
Pendant 13 ans, j’ai été rédactrice en chef de l’édition francophone et directrice des rédactions, c’est-à-dire que je chapeautait les deux éditions, papier et le web. Je suis journaliste, pas seulement de mode. Même si le magazine à un volet très mode, le ELLE est plus que cela. Bien sûr, c’est un guide d’achat beauté, mode, voyages et décoration. Il informe sur les nouveautés; les dernières tendances. Il y a aussi toute la partie “non-marchande”, liée à l’actualité générale, et aux problématiques des femmes. Les deux parties sont très complémentaires.
Qu'est-ce qui vous plaît le plus dans votre métier de journaliste ?
Rapporter et partager ! J’aime rencontrer une personne qui me raconte une histoire, la sienne par exemple. C’est intéressant, il y a quelque chose qui s’agite à l’intérieur de moi, j’en viens à tirer le fil et à le partager. Cela est une partie pure et dure du journalisme. L’autre côté de ce métier, c’est dénoncer, de mettre le doigt sur un problème lié aux femmes. Et utiliser les médias afin d’améliorer, faire progresser, passer un message.
Comment voyez-vous l'avenir du média papier et digital ?
Moins de papier. Il y en aura toujours, mais de meilleures qualités. Le digital devient le moyen par lequel nous accédons à l’information. Le papier sera exceptionnel, pour une occasion spéciale. Les books font leurs apparitions, on parle de “coffee table magazine”.
Comment définiriez-vous la marque "Béa Ercolini" ?
Je dirais qu’il y a d’une part le côté “engagement” au féminin avec mes responsabilités en tant que Présidente au sein de l’Asbl “Touche pas à ma pote” qui se bat contre le harcèlement de rue et les insultes sexistes. L’autre aspect qui me procure beaucoup de plaisir, c’est le secteur du luxe. J’ai eu la chance de développer un réseau dans ce secteur. Le luxe est l’un des premiers employeurs au monde. On juge souvent le secteur de la mode et du luxe comme quelque chose de frivole, mais c’est un vrai secteur économique. On y croise des gens passionnés mais surtout des gens qui travaillent beaucoup, qui ont des savoir-faire et mettent la barre très haut. Je compte bien continuer à travailler avec cette dualité.
Pouvez-vous nous parler de l'ASBL "Touche pas à ma pote" dont vous êtes la présidente ?
C’est une asbl que j'ai créée en 2012. Au départ, nous avons fait principalement de la sensibilisation au travers de campagnes. Nous avons habillé un tram de la STIB avec un visuel qui disait “Ce n’est pas en me traitant de tepu que tu vas pécho” avec une photo de Charlotte Abramow, une jeune photographe belge très douée.

Suite à un appel à projet de la Région bruxelloise, nous avons lancé “Touche pas à ma pote en classe”. Ce projet consiste à envoyer des comédiens de la ligue d’Impro dans les écoles primaires à partir de la 5ème et 6ème. Ils vont jouer des mini-scénettes humoristiques improvisées pour sensibiliser les élèves sur des sujets comme le harcèlement de rue et les insultes sexistes. Le projet continue dans les classes de secondaire. 10.000 élèves de la Fédération Wallonie Bruxelles y ont eu droit à l’école.
Cette année, nous travaillons pour rendre le projet “Touche pas à ma pote” bilingue, pour sensibiliser les écoles néerlandophones du pays. Et du côté, de la région bruxelloise, c’est un plan global anti harcèlement qui devrait voir le jour.
Comment se passe une journée ou semaine type avec Béa Ercolini ?
Une journée avec moi ? (rires). Cela change tout le temps. Avant, mes journées étaient rythmées par le bouclage du mensuel du “ELLE” Belgique. Aujourd’hui, ma vie est bercée par les rencontres. En ce moment, ce sont des rendez-vous et des déjeuners. J’adore travailler ici (ndlr: L’espace de coworking “Topos”). Je suis toujours journaliste (j’ai une rubrique dans « Le Vif L’Express), je suis redevenue étudiante (je suis les cours de communication web à l’ihecs). Je prépare enfin un joli projet : un women’s club sur le modèle des gentlemen’s club, basé à l’hôtel Sofitel. Son nom ? Les Ailes. Après 13 ans au ELLE, il était temps que je prenne mes ailes…
Quels conseils donneriez-vous à des jeunes qui souhaitent devenir journaliste ?
Créez un blog, c’est l’occasion d’être lu et d’écrire. Pour écrire, il faut écrire sans cesse. Lisez pour intégrer la conjugaison et la grammaire. Rencontrez du monde et apprenez à réseauter.
Béa Ercolini